Nous avons parlé de ce qu’est une vague et de comment elle s’est formée dans une tempête au large mais nous avons omis un point crutial : l’interraction entre les vagues et le vent!

Le vent joue un rôle fondamental dans la formation et la qualité des vagues, ce qui en fait un élément crucial pour tout surfeur. Essayons d’y voir un peu plus clair pour nos prochaines sessions.

Permettez-moi de vous expliquer pourquoi et comment le vent influence votre session de surf.

Eole le tout puissant

Commençons par comprendre l’interaction basique entre le vent et les vagues.

On le vénère pour le vent offshore

Le vent offshore (qui souffle de la terre vers la mer) est généralement le plus apprécié des surfeurs. En soufflant contre la vague qui arrive, il la soutient et la maintient dressée plus longtemps avant qu’elle ne déferle.

Très belles lignes sculptées par le vent. Crédit: Instagram alexandrederey

Il crée ainsi ce qu’on appelle des “lèvres” plus nettes, permettant aux vagues de se creuser davantage. C’est comme si le vent retenait délicatement un rideau d’eau. A minima, la vague nous offrira un épaule pluss franche, et si le fond le permet, il pourra même ouvrir un tube.

Pour former un tube, le vent offshore est très vivement conseillé, comme ici! Crédit: Instagram alexandrederey

On le déteste pour le vent onshore

À l’inverse, le vent onshore (qui souffle de la mer vers la terre) a tendance à “pousser” le haut de la vague vers l’avant, la faisant déferler prématurément. Les vagues deviennent alors plus “cassées”, moins organisées, avec une surface plus agitée.

C’est la fin de la tempête, le vent souffle encore à 50km/h alors que le soleil revient. Au programme: moutons au large et pagaille sous la falaise qui ne peut ralentir suffisament le vent.

Surfer ces conditions devient plus difficile car la vague perd en puissance et en prévisibilité. De plus, la rame devient particulièrement pénible puisqu’il faut se battre avec le clapot qui nous ralentit et nous éclabousse.

Ca souffle fort, Jeanjean est bien courageux de se mettre à l’eau dans cette pagaille. Bilan aucune vague vraiment surfée…

On s’en méfie dès qu’il vient de coté (side-shore)

Le vent side-shore (parallèle à la côte) peut avoir des effets variables selon son interaction avec la houle et la configuration du spot. Il peut créer des conditions intéressantes sur certains spots qui “marchent” spécifiquement avec ce type de vent. De manière générale, il va agiter le plan d’eau et dégrader les conditions. S’il n’est pas trop fort, ça reste surfable.

Influence de la puissance du vent

L’intensité du vent est presque aussi importante que sa direction. Un vent offshore trop fort peut rendre difficile le passage de la barre ou même empêcher les vagues de déferler jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Il va aussi rendre le takeoff beaucoup plus difficile. En effet, la rame face au vent est plus laborieuse, lorsque la vague se cabre il faut ramer encore et fermer les yeux pour éviter les embruns. Lorsque l’on parvient enfin à se lèver, le vent nous freine fortement est il n’est pas rare de rester scotché en haut de vague.

Au delà de 30km/h soutenu, il vous faudra sérieusement considérer une autre activité quelque soit la direction du vent!

Pour le vent onshore, vous l’aurez compris c’est peine perdu dès qu’il dépasse 10-15km/h. Idem, le side-shore est déjà délicat lorsqu’il souffle modérement, il va inévitablement générer du courant et une houle croisée s’il forcit. La seule issue sera de surfer près d’un abris (falaise,digue,…).

A l’inverse, un vent offshore faible à modéré est souvent idéal, suffisant pour organiser les vagues sans les déformer excessivement.

S’il n’y a pas de vent du tout: c’est glassy! Crédit: Weekend ALOA Guilvinec

Le vent, un élément capricieux

Vous l’aurez constaté, les prévisions de houles à 3-4 jours sont relativement fiables. Par contre, quand il s’agit de vent, seul les évènements les plus forts sont bien prévus. Si votre appli préférée annonce tempête pendant deux jours avec des rafales à 100km/h, pas de doute, ça sera dégueu. Par contre, un vent onshore faible dans les prévisions du mois de septembre, la c’est une loterie. A vous de voir si vous êtes joueurs.

Mais pourquoi donc que c’est si compliqué pour météo France (et les autres) de prévoir la météo?

Quelques notions de météo

La météo, c’est compliqué. Déjà l’observation, c’est toute une histoire qui va du bon vieux thermomètre de mamie aux satellites d’observation ultramodernes. En plus de la température, il y a beaucoup d’autres variables météo (vent, nuages, pression, etc.). Mais si on veut prévoir l’avenir, c’est une autre paire de manche! Il faut agréger toutes les informations que l’on connaît sur le système Terre, passer ça à la moulinette des équations de la physique des fluides et enfin résoudre le problème sur l’ensemble du globe grâce à un supercalculateur. Tout ça pour cracher à la fin, des infos locales utilisables comme on retrouve à la météo ou sur windguru. On ne va pas s’occuper de comment sont fait ces modèles en détails mais décrire leurs points forts et leurs limites

Système à grandes échelles

La météo et donc les conditions de surf, c’est avant tout l’histoire d’une sphère entourée de gaz chauffée par un rayonnement électromagnétique. Dit comme ça, c’est très pompeux mais la réalité du terrain n’est pas si compliquée. Comme les pôles reçoivent moins d’énergie que les tropiques, il y a des différences de température au sol comme dans l’air. L’air peut se déplacer et va « chercher » à équilibrer la température entre les zones chaudes et froides. C’est le phénomène qui est à l’origine des circulation atmosphériques à grande échelle. croquis_rayonnement

Ceci nous donne globalement 4 zones (anneaux de latitude constante):

  • Zone équatoriale : il fait tout le temps chaud et humide, il n’y a pas de vents réguliers. On peut surfer presque tout le temps, il suffit d’éviter les grains.
  • Zone tropicale : on alterne une saison humide et une saison sèche, les vents dominants (alizées) soufflent régulièrement pendant toute une saison, yapuka choisir le spot bien exposé. La saison humide (chaude) peut générer des cyclones.
  • Les zones tempérées voient des saisons marquées. L’été est relativement calme et l’hiver se caractérise par un défilé de tempêtes plus ou moins régulier. Cela s’explique par l’accroissement de la différence de température entre les tropiques et les poles à cette saison.
  • Les zones polaires, froides toute l’année. Leur météorologie est très complexe et influencée par cette position particulière. Par exemple: les 40è rugissants

Focus sur l’atlantique nord

L’origine des vagues revient en détail sur l’interraction mers-vent dans l’antlantique.

Vous le savez peut être, l’Europe de l’Ouest dispose d’un climat quasi unique dans le monde. Nous nous situons loins de l’équateur (47°N) et pourtant les hivers restent doux. (Je n’ai pas encore vu de neige à Nantes…). Cela s’explique principalement par l’influence du gulf stream et des vents d’ouest dominants. Le Gulf stream est un courant qui prend sa source dans les Caraïbes et transporte tranquillement les calories vers l’Europe. Il réduit donc le gradient de température entre les latitudes. Cela n’empêche pas les tempêtes de s’enchaîner en hiver avec une trajectoire d’Ouest en Est et des points d’impact s’étalant de l’Irlande au Portugal. Ceci n’est pas sans poser de difficultés à nos modèles météo. En effet, ces phénomènes évoluent très rapidement et sont très chaotiques (sensibles à de faibles variations du milieu). Elles peuvent se creuser de manière explosive (2 jours pour Herminia en Janvier 2025) ou se combler sur le pays Basque (Ivo, les jours suivants).

Succession de dépressions en janvier 2025. Le fameux anticyclone des Açores n’est plus, Herminia fait rage.

Les conditions anticycloniques sont à l’opposé des enchaînements de temps perturbé. Il s’agit d’un blocage de hautes pression centré sur l’Europe de l’Est qui peu durer jusqu’à 2 semaines. Les dépressions sont repoussées au Nord (Islande, Ecosse,…), selon leur puissance, elles nous donneront des houles surfables ou non. Les modèles sont très performant pour prédire la durée et l’intensité de ses évènements. Ils seront bien en peine pour vous avertir des brouillards et de leur durée, en particulier sur nos cotes.

Système local

Nous avons jusqu’à présent discuté de situations couvrant de grandes surfaces, le plus souvent distantes de nos cotes. Elles sont globalement bien capturées par nos modèles, pour peu qu’on tienne compte de l’horizon de prédiction. Malheureusement, comme en montagne, la météo marine est parfois capricieuse. Pour une situation générale donnée, vous pourrez observer ou vivre des conditions bien différents.

Typique d’un ciel de traine, le grain est un gros nuage presque orageux dans un ciel plutot dégagé. Il s’accompagne souvent de rafales puissantes en plus de la pluie.

Le cas le plus emblématique est l’orage (ou le grain en Bretagne). Le modèle grande échelle vous annonce des conditions favorables aux orages. Malheureusement, même le modèle le plus fin de météo France ne calcule qu’avec une résolution de 1km. Or les dimensions d’un orage sont généralement du même ordre de grandeur, quelque dizaines de km pour les plus gros. Cela veut dire que le modèle n’est pas capable de prédire ou l’orage va commencer ni comment il va se développer par rapport aux éventuelles cellules environnantes. Si vous êtes à l’eau, ouvrez les yeux et soyez prêt à sortir de l’eau rapidement. N’oubliez pas que ces hauts nuages d’orage s’accompagnent d’un coup de vent à l’avant (orienté vers le nuage) puis une pluie plus ou moins intense qui peut s’accompagner d’éclairs.

Sinon, vous pouvez suivre l’évolution de ces évènements grace aux systèmes d’observation en continu (radars de pluie et foudre). On pourra s’amuser à anticiper le déplacement de ceux ci.meteoblue.com

Pour nous surfeurs, il existe des situations météo moins extremes mais tout aussi impactantes pour notre pratique. Les cas particuliers les plus fréquent (front, thermique) sont discutés après les pros tips 🙂

Mais ça veut dire quoi pour moi?

La bons plans du père Lucas

Il n’y a pas de miracle, si vous voulez surfer régulièrement autour de la Loire-atlantique, il faut lire les prévisions efficacement. De manière générale je suggère de procéder ainsi:

  • Check de la houle taille supérieure à 0,7m et période entre 8 et 15s (voir articles)
  • Connaître l’orientation du spot visé et les marées propices (voir guide et google maps)
  • Check du vent sur le créneau souhaité. S’il est faible (<15km/h), ça se tente quelque soit la direction. Sinon on cherche un vent le plus offshore possible

Quelques exemples, pour finir

Pour aller plus loin, et surtout voir plus clair, je vous ai concocté quelques exemples typiques de nos régions.

Conditions estivales : le thermique

Le printemps et l’été sont marqués par des différences de température importante entre les heures de la journée et aussi entre l’eau et le continent. En effet, la durée du jour et la hauteur du soleil vont réchauffer beaucoup plus fortement l’intérieur des terres que la mer. Cela va entraîner un mouvement d’air puissant de la terre vers la mer dès que la différence de température dépasse les 10° et ce, indépendamment des conditions météo générales.

Schéma d’un thermique bien place.Source: the_conversation

Les conditions que je vais décrire se produisent de Mai à Septembre. Elles sont beaucoup plus marquées dans le Sud-Ouest que par chez nous. La température de la mer se situe entre 15 et 21, celle du continent est supérieure à 26.

Prenant une situation météo typique d’un 15 juin. Nous sommes dans une période sèche, l’anticyclone est centré sur l’Europe et une vent faible à modéré souffle depuis le cadrant Νοrd-Est. La température de l’océan tourne autour de 16°. La nuit le temps clair fait baisser la température à 14. La journée, on a annonce 30. Au petit matin, l’océan est légèrement plus chaud que le continent, un petit vent d’est à 10km/h est poussé par l’anticyclone. Dès 10h la température sur le parking atteint les 23° et le vent commence à hésiter. Quelques bourrasques de Nord-Ouest font leur apparition mais les conditions de surf restent excellentes. A midi, les 30 sont largement dépassés au soleil, le vent est maintenant clairement orienté ONO et s’établit à 20km/h, le double en rafale. Les kitesurfers ont pris possession des lieux. S’il fait très chaud le vent sera encore plus fort dans l’après midi. En toute fin de journée, le vent se calme légèrement et disparaît avec le soleil. Vous voici au bout d’une journée d’été classique en bord de mer.

🔍Pour les plus curieux, vous trouverez encore plus de détails ici.

Conclusion: l’été, on surfe avant 10h s’il fait beau, à vos réveils.

Conditions automnales: l’arrivée d’un front

Récit d’une occasion manquée.

Nous sommes mi décembre, l’automne touche à sa fin. Les prévisions de surf sont excellentes, une houle de 1m, 13s, la température est douce et le vent s’annonce faible toute la journée (d’abord off puis on à partir de 14h) Les reports des copains qui sont sur la cote vendéenne le matin sont super, la houle n’est pas parfaite mais elle est belle et le vent est nul. On prend la route à 13h. Seulement, lorsque nous arrivons au spot, le vent onshore est bien la, pas très fort mais sensible. Les premières vagues que l’ont voit sont bien hachées. C’est confirmé à l’eau, dès que le vent à tourné, le plan d’eau s’est transformé en chantier. La digue ne nous protège finalement pas du tout et la session sera un jeu de cache cache avec une houle maintenant très multi pic. La taille de celle-ci ne permet quasiment pas de la discerner du clapot! C’est la douche froide.

Conclusion: sur les spots très exposés au vent et à la houle (par exemple de Saint-Gilles à Sauveterre). Un vent onshore, même très faible et très récent est suffisant pour pourrir le plan d’eau. Si le vent est incertains, il est donc recommandé de choisir un spot moins exposé. A moins, bien sur d’apprécier la roulette russe.

Faire fi du vent d’ouest

Ah, le vent d’ouest, c’est notre ennemi et si vous consultez les données historiques, vous constaterez qu’il s’agit du vent (très largement) dominant sur nos cotes. Souvent, l’histoire s’arrête la, le vent est mauvais, il n’y a rien à faire. Mais si la houle est suffisante, quelques replis existent dans nos contrés. La recette est simple, il faut une cote qui vous protège un maximum du vent direct et un déferlement vers le nord, voir le nord ouest. Forcément, cette orientation va fortement atténuer nos houles d’ouest mais s’il y a de la taille (3-5m de houle) alors ça peut le faire. Ne reste plus qu’a faire un tour sur google maps ou demander aux copains. Par chez nous, la valeur sûr, c’est le nord de la baie des Sables d’Olonnes (allez lire l’article )

Conditions idéales: anticyclone puissant en milieu d’automne

Ce n’est pas pour rien si tous les surfeurs français ne vivent que pour l’automne. La houle est de retour avec les tempêtes du large et elle va s’intensifier jusqu’à l’hiver. L’air se refroidit et les matinées sont de plus en plus froides. Par contre, l’eau reste bonne avec 16-17 au mois d’octobre. Si un anticyclone vient s’ajouter à la photo, c’est bingo. En effet, on va pouvoir profiter d’un thermique mais cette fois-ci, il est dans le bon sens (offshore), et pousse l’air froid du continent vers l’océan toute la journée.

Je ne vous fait pas un dessin, quand c’est comme ça, il ne vous reste plus qu’a choisir votre spot préféré et la marée qui vous convient le mieux.

Mis à jour :